Nous vivons sans nul doute une période historique dont on se souviendra longtemps. Confinée à la maison avec mon mari et mes 4 enfants, nous parlons de cette situation hors norme, inattendue et extrêmement contraignante. Mes enfants me demandent si j’ai déjà connu quelque chose de semblable. C’est alors que je me souviens…
En janvier 1994, j’étais dans le vol Genève – Los Angeles et j’avais 19 ans. Ma famille d’hébergement était sensée m’attendre à l’aéroport aux environs de 20h, heure locale.
Pendant le vol, au beau milieu de l’Atlantique nous avons été pris dans des turbulences énormes. Nous faisions des bonds sur nos sièges tellement les secousses étaient importantes. De ma vie je n’ai plus jamais vécu des turbulences aussi violentes et qui ont duré aussi longtemps. Etonnamment je n’ai pas eu peur. Puis, peu de temps après que le calme soit revenu, nous avons entendu le pilote nous annoncer un tremblement de terre à Los Angeles. Il a ajouté ne pas connaître l’ampleur des dégâts car l’événement venait tout juste d’arriver. Là encore, je n’ai pas eu peur. Mais surtout parce que je n’avais pas assimilé l’information et j’en étais restée aux turbulences…
Puis, nous avons survolé Los Angeles pendant près d’une demi-heure (tellement la ville est étendue) avant d’atterrir à LAX. Et là, j’ai commencé à comprendre… La ville entière était plongée dans la nuit. Une ville de plusieurs millions d’habitants dans le noir total!
Exténuée par le voyage, finalement je suis sortie de l’aéroport pour découvrir que personne ne m’attendait! J’ai su plus tard que la famille pensait que tous les vols avaient été annulés. Ayant peu de sous en poche, j’ai décidé de prendre le bus pour me rendre à l’adresse de la famille. Monter dans un bus à Los Angeles est souvent dangereux car ils peuvent être très mal famés. De plus, certains quartiers sont vraiment à risques à cause des gangs et des assassinats. Au bout d’une bonne heure de trajet dans cette ville fantôme, je prenais de plus en plus conscience de la situation inédite pour moi.
Evidement, je suis arrivée dans une maison vide. J’ai poussé avec difficulté la porte d’entrée car les meubles au sol la bloquaient. Têtue, je voulais y rester pour la nuit. Mais dès que je faisais un pas, je tombais sur quelque chose. J’ai compris à ce moment que cela pouvait être dangereux pour moi. Surtout que sans lumière, depuis mon arrivée dans cette ville, je n’avais qu’une idée relative de la situation réelle.
J’ai sonné chez des voisins qui m’ont accueillie pour la nuit. Ils étaient encore un état de choc. Très angoissés, ils ont commencé à me relater les événements. Et c’est à ce moment que j’ai senti ma première secousse. Je me croyais à nouveau dans l’avion avec les trous d’air, sauf que là, ça faisait un vacarme énorme.
Pendant de nombreux jours la ville a été paralysée car l’urgence était de réparer les dégâts : routes, ponts, maisons, commerces et autres infrastructures. Et pendant ce temps L. A. était secouée par les répliques qui parfois étaient presque aussi fortes que le tremblement de terre initial.
Les gens avaient peurs. Tous. Personne n’était insouciant. Petit à petit je me suis moi-même laissée contaminer par la peur, même si j’avais la conviction que ma vie n’était pas en danger.
Déjà à cette période je me suis posée la question: pourquoi vivons-nous collectivement des moments si difficiles? Pouvons-nous y trouver du sens?
Individuellement, nous avons notre vie en main. Nous avons des plans personnels. Puis, un beau jour, la Vie vient tout balayer ce que nous avions organisé et ce que nous pensons maîtriser. Si on souhaite donner du sens à ce genre d’événement, nous ne le trouverons pas en regardant les pertes humaines et matérielles. Mais nous pouvons le trouver en réalisant que la vie n’est pas un dû et que nous sommes peu de chose face à la puissance de la nature.
Quand tout va bien, nous oublions que ce que nous avons de plus précieux au monde est de respirer et d’écouter son cœur qui bat. Et si la Vie contrarie nos plans, c’est pour que nous nous rappelions qu’Elle est notre plus Grand Cadeau. 💕